LA TRADITION SATIRIQUE FRANÇAISE

ALORS QUE LA FRANCE A ÉTÉ VISÉE PAR DEUX ATTENTATS TERRORISTES EN 2015, LA SEMAINE DE LA PRESSE ET DES MÉDIAS DANS L'ÉCOLE, QUI A LIEU DU 21 AU 26 MARS, A POUR THÈME LA LIBERTÉ D'EXPRESSION POUR LA SECONDE ANNÉE CONSÉCUTIVE. L'OCCASION DE RAPPELER QUE LA FRANCE A UNE LONGUE HISTOIRE EN MATIÈRE DE PRESSE SATIRIQUE, UNIQUE EN SON GENRE.

 

Caricaturer, railler, provoquer, ridiculiser... La vigueur de la presse satirique et pamphlétaire ne s’est jamais démentie depuis sa naissance, au siècle des Lumières. 


La pensée dérangeante et souvent acerbe de ces philosophes défenseurs des libertés est alors relayée avec les moyens de l'époque : les manuscrits pamphlétaires, le plus souvent distribués par les ancêtres des vendeurs à la criée, s’échangent sous le manteau. Une simple lettre de cachet peut conduire tout droit à la Bastille ou mener jusqu'à l'exil comme Voltaire en a fait l’amère expérience...

C’est après la Révolution de 1789 que naissent réellement la liberté d'expression et sa longue lutte contre les pouvoirs établis. On assiste alors à un véritable foisonnement de caricatures : pas moins mille cinq cents gravures satiriques fleurissent entre 1789 et 1792 ! En 1793, le Comité de Salut Public demande même au peintre et député Jacques-Louis David de "multiplier les gravures et les caricatures qui peuvent réveiller l'esprit public et faire sentir combien sont atroces et ridicules les ennemis de la liberté et de la République". La preuve que, si la caricature prend souvent pour cible le pouvoir, elle peut aussi devenir un instrument à son service...

 

De l’Assiette au beurre à Charlie Hebdo


À partir de 1830, débute l'âge d'or de la presse satirique. La Caricature et Le Charivari, tous deux fondés par le dessinateur Charles Philipon, en sont les pionniers. Paru de 1832 à 1937, Le Charivari est le premier quotidien illustré satirique du monde. Créé en opposition à la Monarchie de Juillet, il eut à subir pas moins de vingt procès sous le règne de Louis-Philippe. Quant à La Caricature, c’est dans ses colonnes qu’est publié le fameux portrait de Philipon représentant Louis-Philippe en forme de poire, image moqueuse qui connaît un grand succès et sera maintes fois déclinée dans Le Charivari. En 1834, Philipon est condamné. Qu’importe : le texte du jugement publié en première page du journal paraît sous la forme... d’une poire !


Dans la même veine, paraît en 1868 La Lanterne, qui se livre pendant près de dix ans à une féroce critique du Second Empire.

Au début du XIXe siècle, malgré le développement spectaculaire des journaux populaires, la presse satirique reste vigoureuse.

Fondé en 1901, L'Assiette au beurre peut être considéré comme l’ancêtre de Charlie Hebdo : anticolonialiste, antireligieux, antimilitariste, anticonformiste, le journal est d'une virulence extrême contre les institutions et le pouvoir, et aborde tous les thèmes tabous de l’époque, de la sexualité à la mort.


Le Figaro est lui-même, à l'origine en 1854, un hebdomadaire satirique.


Le Canard enchaîné naît en 1915, pendant la Première Guerre Mondiale. Un siècle plus tard, le célèbre volatile se porte toujours bien.

En 1960, le mensuel Hara-Kiri, de Cavanna et Choron, annonce les événements de Mai 68.


Charlie Hebdo, fondé par la même équipe de journalistes et de caricaturistes, est l’héritier de cette longue lignée de journaux satiriques français. Visé par des attentats terroristes qui ont décimé sa rédaction le 11 janvier 2015, il continue de se battre pour la liberté d'expression, fidèle à son credo : être un journal "satirique, laïque, politique et joyeux".

 

 

Publié le 16/03/2016

Auteur: Marina Bellot